Hôtel Legendre, dit La Trémouille (Paris)

Démoli en 1841, il aurait pu être réemployé comme école ou mairie d’arrondissement. Le propriétaire spécula pour en tirer le meilleur prix. Les négociations entre le préfet de Paris, la municipalité, le Comité, la Commission et le propriétaire furent un échec. La somme de 700 000 francs était nécessaire pour le racheter auprès du propriétaire et empêcher sa démolition. Le coût trop élevé fut un frein considérable, sans compter les futurs frais d’aménagement. Viollet-le-Duc fut chargé de choisir et d’acquérir au nom de l’Etat des fragments. La Commission appuya en 1842 la proposition de Viollet-le-Duc et de Lassus pour le réemploi des fragments et des façades ornées à travers le projet de reconstruction de l’archevêché de Paris (les 2 projets abandonnés). Les fragments sont exposés aujourd'hui dans la cour de l'école des Beaux-arts. Un élément est au musée national du Moyen Âge. Ce que nous savons aujourd’hui de cet hôtel est essentiellement du à Viollet-le-Duc et à Adolphe Didron, aussi John Nash.

« Les journaux ont jeté l’alarme en apprenant que l’hôtel de la Trémouille, vendu récemment, allait être démoli et rasé […] Les antiquaires n’ont pas été les seuls à s’émouvoir ; car le jour où fut annoncé cet évènement, la cour de l’hôtel se remplit d’hommes de toutes conditions, venant aux nouvelles sur le lieu même du futur désastre. »

A. DIDRON

« un des plus beaux et des plus populaires hôtels de Paris ».

A. DIDRON

« Il est probable qu’au moment où j’écris ces lignes, les démolisseurs sont à l’œuvre dans l’hôtel de La Trémouille. Ainsi, la ville de Paris, qui avait besoin de cet hôtel pour y établir la mairie du 4e arrondissement, qui avait là, et à bon marché, un très beau monument, un monument historique, un immeuble d’une grande valeur, un emplacement au centre du quartier, un bâtiment commode, vaste, où tous les services auraient pu être réunis, la ville de Paris n’en a pas voulu et a préféré la mairie du Chevalier-du-Guet, sale, ignoble, incommode, étroite, insuffisante, à l’extrémité de l’arrondissement, et qui ne peut être que provisoire. Le propriétaire abat son vieil hôtel pour y ouvrir des magasins de toiles. Il est vrai que M le préfet de la Seine avait ordonné à un architecte de dessiner l’hôtel de la Tremouille et de retenir les pierres sculptées qui proviendraient de la démolition ; mais, lorsqu’on a voulu se mettre au travail, l’argent a été refusé pour faire les dessins et acheter les pierres. Un Anglais, nous devrions en rougeur, a dessiné l’ensemble et tous les détails de l’hôtel, et un autre Anglais vient de conclure un marché pour avoir les pierres de la tourelle, de l’escalier, des balustrades et de la grande porte d’entrée. L’hôtel de la Trémouille nous est donc enlevé pour passer chez les Anglais en nature et en dessin. Il était facile dans cette grave circonstance, d’appliquer la loi de l’expropriation forcée pour cause d’intérêt public ; les explications officielles fournies à la chambre des pairs, le 21 mai dernier, en donnaient l’autorisation; on l’avait demandé, et on n’en a rien fait. La commission des monuments historiques ne peut pas, sans agir, sans parler, sans protester, laisser démolir un monument qui n’a pour rivaux et pour contemporains que l’hôtel de Sens et celui de Cluny. »

Adophe. DIDRON, directeur de la revue Annales archéologiques, secrétaire du Comité des arts et monuments,
Extrait de l’article Destruction de monumens, L’Univers, 15 décembre 1840

« Vous avez bien voulu autoriser d'autres acquisitions également importantes. L'inévitable destruction de l'hôtel de la Trémouille est venue affliger tous les amis des arts. L'étendue des bâtiments dépendant de cet hôtel, l'impossibilité d'en isoler les parties vraiment monumentales, surtout le prix exorbitant d'un vaste terrain dans un des quartiers les plus populeux de la capitale, mettaient le Gouvernement hors d'état de disputer cet édifice à de riches spéculateurs. Obligé à regret d'être témoin de sa ruine, vous avez fait tout ce qu'il vous était permis de faire en obtenant la cession de toutes les façades ornées. Ces restes précieux peuvent du moins adoucir les regrets qu'inspire la perte de l'un des rares monuments qui conservaient à Paris des souvenirs du moyen âge. MM. Viollet-Leduc et Lassus, auteurs d'un projet pour la construction d'un archevêché, ont proposé de faire servir les façades de l'hôtel de la Trémouille à décorer une des cours du nouvel édifice. La Commission applaudirait à cette destination, qui conserverait de très-belles sculptures, et qui contribuerait puissamment à donner à l'archevêché un caractère en harmonie avec celui de la cathédrale, auprès de laquelle il doit s'élever. »

Prosper MERIMEE, secrétaire de la Commission des monuments historiques
Extrait du Rapport de la Commission des monuments historiques, 1842

« (...) grand acte de vandalisme qui s'accomplit en ce moment. Vous pouvez entendre tomber l'hôtel de la Trémouille, dans la rue des Bourdonnais. »

Baron Pérignon